domingo, mayo 22

Lettre ouverte aux habitants des Yvelines

A quoi bon auront servi les Assises de la Ruralité autant que la Cop-21
si nous continuons à faire comme dans le passé ?

Destinataire d'origine :
Responsable de la Commission Travaux et Environnement de la Commune d'Émancé
Daté du 4 mai 2016

Lors de la restitution des Assises de la ruralité à Montigny le Bretonneux, vendredi 15 avril 2016, nous avons eu le plaisir de voir et d'écouter une grande majorité d'Yvelinois, de tous les âges, dire aimer et vouloir conserver la ruralité de la région. Maires, élus, enfants, ados, jeunes adultes, seniors, agriculteurs... tout ce monde était en accord avec les paroles de Christine David, Maire d'Émancé, exprimées dans l'édito du journal de la ville en avril 2016, disant vouloir conserver le cadre rural des Yvelines, c'est à dire : verdoyant, calme, à taille humaine, plein de vestiges architecturaux et historiques, etc.
Cependant, malgré tous les efforts des Assises avec vidéos, témoignages, rencontres, échanges et questionnements, les conclusions exprimées par les représentants du département, en particulier par le président de l'agglomération, Monsieur Pierre Bédier, nous ont laissé très contrariés. Après avoir parlé de la réussite des assises, Monsieur Bédier a pris soin de nous « expliquer » le « problème » de la ruralité parce que pour lui, ruralité va de pair avec pauvreté. Pendant la présidence de Monsieur Sarkozy, nous a-t-il dit, on a adopté l'idée du Grand Paris, dans le but de dynamiser la ville de Paris et de la mettre au même niveau que les mégapoles du monde tel New York ou Singapour. Les Yvelines ne font pas partie du projet Grand Paris, a souligné Monsieur Bédier, semblant le regretter profondément.
Nous sommes sortis de la salle avec une sensation de déjà vu, dans une démocratie apparente dans laquelle on a le droit de s'exprimer juste pour jouer à faire comme si nous, les citoyens, avions la liberté de prendre part aux décisions en sachant ou pas que toutes ont déjà été prises.
Pierre Bédier a voulu nous faire comprendre que nous, la majorité des Yvelinois de tous les âges, qui aimons la ruralité, le calme, le bien vivre, les forêts, les paysans, les paysages, etc. devons y renoncer pour le bien du développement économique de l'agglomération ; qu'il faut savoir que si nous voulons de l'argent du département pour financer les projets de nos villages, nous devons renoncer à tout ce qui nous fait les aimer.
Le fait que la commune d'Émancé ait dû abandonner les TAP et repousser des investissements nécessaires va dans ce sens. C'est une stratégie bien connue : le département n'apporte pas son soutien financier et en même temps conseille et demande aux communes d'accepter la construction des zones industrielles et des lotissements pour des habitations particulières. Les petites communes n'ayant pas d'autres moyens de financement acceptent les sacrifices, attendant en contrepartie l'accroissement de moyens à travers les impôts locaux (habitations, industries, etc.) sauf que le calcul est mauvais. Les communes devraient prendre en considération que, si elles ont déjà des dépenses avec le nombre actuel d'habitations et de familles, dans l'agrandissement de la population, les besoins et les dépenses grandiront également et seront bien plus grandes que celles qui existent à présent.
Cette démarche en vue d'accroître les finances des Communes, va dans le sens inverse puisque cela appauvrie les communes en augmentant les besoins en infrastructures (nombre de classes, d'instituteurs, de personnel pour les écoles, places de parking, transports publics, etc.) Ce choix réduit considérablement la qualité de vie de tous ceux qui vivent déjà dans les petites communes comme la nôtre. Cela ne fera gagner personne, les nouvelles familles ne feront qu'augmenter les besoins et nous reviendront aux mêmes points. Ayant perdu la taille humaine de la commune, l'intégration des nouveaux venus sera encore plus difficile que celle qu'on expérimente à nos jours.
La ruralité pourtant, n'est pas synonyme de pauvreté, au contraire, la ruralité est une richesse qu'il faut apprendre à apprécier et à calculer. On a l'habitude de prendre comme données uniquement les rentrées sans penser à calculer toutes les économies qu'une commune à taille humaine et rurale apporte parce que : grâce à sa taille humaine il n'y a pas, ou peu, de délinquance, grâce à sa taille humaine les relations se font en face à face et la qualité des relations humaines est meilleure que dans les grandes villes.
Il y a beaucoup d'autres façons pour améliorer le cadre de vie d'une commune sans passer nécessairement par l'argent public, cela commence par l'investissement direct et actif de ses habitants. Il y a des exemples à suivre. Il y a des plateformes de financement participatif desquelles des élus d'autres villes et villages ont fait usage pour financer des travaux dans leurs communes. Les habitants collaborent d'autant plus s'ils sont au courant de ce qui se fait concrètement, surtout parce qu'ils ont le sentiment de prendre pleinement place dans le vivre ensemble.
Notre commune devrait rester unie face aux élus du département qui représentent une vieille école dont l'économie et les finances sont basées sur la seule idée des impôts locaux, de l'étalement urbain, la réduction des espaces verts, l'effacement des forêts et des lieux de vie qui ne sont pas accessoires mais indispensables pour la vie et la santé humaine. Les espaces verts, surtout les forêts, nous préservent de la contamination ambiante, il faut dire qu'en zone rurale l'usage des produits phytosanitaires est élevé et c'est grâce aux arbres que nous gardons la santé malgré le grand usage qui est fait dans notre très proche environnement. Il faut venir en aide des agriculteurs pour qu'ils puissent devenir bio développant l'agroforesterie et/ou la permaculture.
Il y a tant de véritables bonnes idées dans l'ère de notre temps, elles sont possibles et se font ailleurs. Les grandes villes comme Paris et New York disent vouloir se mettre au vert et chez nous, dans les zones rurales, nous continuons à vouloir tout bétonner ? A quoi bon auront servi les Assises de la Ruralité autant que la Cop-21 si nous continuons à faire comme dans le passé ?
Bien cordialement,
Ana-Grace